L'engagement de Pirelli en matière de développement durable va de l'action climatique à la protection du monde naturel, en passant par des nouveaux produits pneumatiques innovants à une culture d'entreprise à la pointe de l'industrie et axée sur l'humain. La société a récemment fixé des objectifs très ambitieux en matière de développement durable, non seulement pour ses propres activités, mais aussi pour chaque partie de sa chaîne d'approvisionnement. Son responsable du développement durable et de la mobilité future, Matteo Battaini, décrit comment Pirelli entend concrétiser ses ambitions.
Vous avez de nombreux objectifs clés en matière de développement durable à atteindre d'ici 2030 - quels sont-ils et dans quelle mesure êtes-vous sur le point de les réaliser ?
Nous avons beaucoup travaillé sur nos quatre principaux piliers de développement durable : les personnes, le climat, la nature et les produits. Nous avons désormais plus de 25 objectifs clés dans ces domaines et sommes en bonne voie pour les atteindre. Un aspect que nous avons encore amélioré est la fixation d'objectifs en termes d'effectifs dans l'organisation – notamment le nombre de femmes dans le management. Nous avons également des objectifs fermes en matière d'émissions, non seulement en ce qui concerne les émissions des Scopes 1 et 2, mais aussi les émissions indirectes du Scope 3 dans notre chaîne de valeur. Sur ces objectifs climatiques, nous sommes déjà en phase avec les principaux constructeurs automobiles et loin devant nos concurrents directs. En ce qui concerne les produits, nous avons analysé toutes les caractéristiques qui peuvent rendre un pneumatique durable. Il s'agit notamment du pourcentage de matériaux provenant de sources recyclées ou biosourcées, ainsi que de l'efficacité du pneumatique, qui détermine sa contribution à la consommation de carburant. Et nous avons un produit phare, le P Zero™ E, qui représente une grande partie du chemin vers un pneumatique 100% sans carburant fossile. Nous avons fixé de nouveaux objectifs environnementaux en matière d'utilisation de l'eau et de risques liés à l'eau, ainsi qu'une stratégie forestière qui prévoit que 100% du caoutchouc utilisé dans nos usines européennes proviendra de sources naturelles certifiées par le Forest Stewardship Council™ (FSC™) d'ici 2026.
Quels sont les plus grands défis à relever pour atteindre les objectifs de Pirelli en matière de neutralité carbone d'ici 2030 et de net zéro d'ici 2040 pour ses propres activités de Scope 1 et de Scope 2 ?
La première chose à dire est que le défi est en partie organisationnel. Il ne s'agit pas seulement de comprendre comment fixer des objectifs réalistes, mais aussi comment créer des programmes d'action, les financer et les doter en personnel. En fait, nous avons plus de 90 projets individuels d'efficacité industrielle en cours, avec un budget de plus de 50 millions d'euros pour la période 2022-2025, et ces projets visent à comprendre l'empreinte carbone de chaque installation et à y remédier. Cela peut aller de l'adoption de systèmes d'éclairage plus efficaces à la reconception de la production pour éliminer les pertes de chaleur. Il s'agit d'examiner tous les aspects de nos activités et de déterminer comment les gérer pour réduire les émissions.
Pirelli a également fixé un objectif de net zéro pour les émissions du Scope 3 des fournisseurs d'ici 2040 - ce qui représente une réduction très importante des émissions des fournisseurs par rapport au niveau prévu en 2030. Comment atteindre cet objectif ?
C'est une courbe raide, mais beaucoup de nos fournisseurs sont déjà sur la bonne voie. Nous avons de grands fournisseurs de produits chimiques, de grandes multinationales, qui sont déjà très avancés en matière de décarbonisation, ils comprennent exactement ce qu'ils doivent faire. Il y a aussi un plus petit groupe de fournisseurs qui ne sont pas aussi avancés, dans ces cas-là, nous nous engageons avec eux, nous leur montrons comment le monde change et ce que les clients demandent. Et ils constatent que s'ils veulent rester en activité, ils devront eux aussi décarboniser - c'est vraiment un concept simple que tout le monde peut comprendre : la décarbonisation est une question de survie.
Outre les émissions de carbone, les objectifs de développement durable des Nations unies (Sustainable Development Goals) portent sur la gestion de l'eau et la biodiversité. Quelles sont les initiatives spécifiques prévues ou en cours par Pirelli dans ces domaines ?
Je pense que tout le monde sait que l'eau sera la prochaine grande urgence à laquelle nous serons confrontés en matière de développement durable. Nous avons fixé un objectif de réduction de consommation d'eau de 60% d'ici 2030, et depuis 2020, nous menons dans toutes nos installations des programmes visant à réduire le stress hydrique et à améliorer la qualité de l'eau restituée dans l'environnement. Je pense que nous devons nous préparer à une réglementation plus stricte en matière d'utilisation et de qualité de l'eau, et le coût de l'eau devrait également augmenter. En ce qui concerne la biodiversité, nous nous sommes déjà engagés dans un plan d'action pour la biodiversité dans le cadre duquel nous alignons nos rapports sur les orientations du Conseil Mondial des Affaires pour le Développement Durable (World Business Council for Sustainable Development) et nous cartographions l'impact sur la biodiversité de tous nos sites industriels, l'objectif étant de disposer d'une cart d'impact complète d'ici l'année prochaine. Il s'agit d'un domaine dans lequel tout le monde doit agir maintenant, étant donné qu'environ 69% des populations mondiales d'espèces sauvages ont disparu depuis 1970.
Pirelli a été très actif sur les enjeux forestiers. Quel est le plan actuel, étant donné qu'un nouveau règlement forestier de l'UE entrera en vigueur dans le courant de l'année ?
Nous nous réjouissons de ce règlement, qui va permettre aux entreprises de démontrer que des produits tels que le bois, l'huile de palme ou le caoutchouc ne contribuent pas à la déforestation. En particulier pour le caoutchouc, la chaîne d'approvisionnement est longue et vulnérable, et il est nécessaire de procéder à des vérifications étape par étape pour s'assurer que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement est conforme à des normes rigoureuses dans tous les domaines, de la propriété légale des terres aux droits de l'homme en passant par la protection des jeunes au travail. Nous nous félicitons que nos fournisseurs les plus avancés soient certifiés FSC™, mais nous nous orientons également vers un contrôle plus étroit de la chaîne d'approvisionnement, directement à la source. Par exemple, l'année dernière, nous avons acquis Hevea-Tec, le plus grand transformateur brésilien indépendant de caoutchouc naturel, pour aider à garantir la certification à chaque étape de la production.
Parlons des innovations produits, comment peuvent-elles contribuer à améliorer la durabilité ?
Il y a quelques années, Pirelli a décidé qu'il était temps de fabriquer un pneumatique véritablement durable. Qu'est-ce que cela signifie ? Nous avons analysé toutes les façons dont un pneumatique pouvait contribuer à la durabilité et le résultat est le P Zero™ E. Il est différent de tout ce qui existe sur le marché, en termes de matériaux, d'émissions dans la chaîne de production et de résistance au roulement, ce qui influe sur la consommation de carburant. Il est classé dans la catégorie européenne A pour la résistance au roulement, le plus haut niveau d'efficacité énergétique, ce qui permet de réduire les émissions de gaz d'échappement et le taux d'usure a été réduit de 42% par rapport aux produits précédents, ce qui permet de limiter les émissions de particules provenant du pneumatique lui-même. Le P Zero™ E est déjà fabriqué à partir de plus de 55% de matériaux ne provenant pas de combustibles fossiles. D'ici 2030, nous disposerons d'un nouveau pneumatique qui ne contiendra pas de combustibles fossiles à plus de 80%.
En ce qui concerne les émissions de particules, quels sont les derniers progrès ?
Cela fait partie de la gestion de la durée de vie du pneumatique. La réduction du taux d'usure par l'utilisation de nouveaux composés n'est qu'une partie de la solution. Nous participons activement à des initiatives industrielles, telles que le Tire Industry Project, un forum dirigé par les chefs d'entreprise pour identifier et traiter de manière proactive les impacts environnementaux potentiels des pneumatiques et des particules d'usure de la route. Nous examinons s'il est possible de modifier les modèles de génération des particules émises - car plus la particule est petite, plus le risque pour la santé est grand - et nous cherchons à accroître la biodégradabilité des particules des pneumatiques. C'est là qu'il peut être important d'utiliser du caoutchouc naturel plutôt que des matériaux synthétiques, car le caoutchouc naturel est biodégradable. Parallèlement, nous nous penchons sur l'autre élément de la gestion du cycle de vie, à savoir l'amélioration de la recyclabilité des pneumatiques, en trouvant de nouveaux et meilleurs moyens de récupérer le carbone noir, qui est le matériau de renforcement et de pigmentation utilisé dans les pneumatiques.
Si l'on considère tous les travaux réalisés aujourd'hui en matière de durabilité, pensez-vous que l'industrie automobile évolue suffisamment vite ?
Nous n'évoluons pas seulement rapidement - nous évoluons incroyablement vite. D'une part, il y a un énorme changement dans la manière dont les entreprises travaillent et une nouvelle compréhension du fait que nous devons vraiment être différents. D'autre part, une nouvelle fenêtre d'opportunité s'est ouverte, où ce qui semblait être des coûts de transition sont en fait des opportunités. Toutes nos parties prenantes le savent. Les régulateurs, les investisseurs, les clients, tous le comprennent. Le passage à la durabilité est comme une roue - et elle avance de plus en plus vite.